Le vendredi 01 décembre 2006

 À 35 ANS, SALVATORE MONTAGNA A LE MANDAT DE REDORER LE BLASON DE LA COSA NOSTRA

«Un geste de désespoir évident»


André Cédilot

La Presse

La Cosa Nostra de New York a donné à un tout jeune mafioso de 35 ans le défi de redorer le blason de la «famille» Bonanno, marquée par une vague sans précédent d'arrestations et de trahisons qui a eu des répercussions jusqu'à Montréal.

Surnommé «l'homme de fer» parce qu'il exploite une petite usine de sidérurgie à Brooklyn, Salvatore Montagna est surtout connu pour avoir fait un pied de nez au Grand Jury de Manhattan chargé de passer à la loupe les activités illicites du clan new-yorkais, en 2002. Son refus de témoigner lui a valu une période d'essai.

Le premier à annoncer la désignation de Montagna à la tête du célèbre clan mafieux, le New York Daily News, estime «que nommer quelqu'un d'aussi jeune et si peu expérimenté montre bel et bien le désarroi de l'organisation à la suite des nombreuses poursuites et condamnations qui ont décimé ses rangs ces dernières années», écrit le journaliste John Marzulli, en citant un ancien expert de la lutte antimafia à New York.

 «C'est une geste de désespoir évident», a convenu Antonio Nicaso, joint par La Presse à Toronto. Selon lui, il y a tellement de membres du clan Bonanno qui ont fait défection, dont l'ancien patron Joseph Massino, que Montagna pourrait se retrouver très vite sur la brèche.

«La police en sait tellement sur l'organisation qu'il est quasi suicidaire d'en prendre la direction», avance le spécialiste de la Ville reine. Trois autres patrons et patrons intérimaires du gang new-yorkais ont mordu la poussière depuis 2003.

C'est d'ailleurs un autre ancien homme fort du groupe, Salvatore Vitale, qui a fait le plus mal en dénonçant Massino. Il est aussi à l'origine de l'extradition à New York du chef mafieux montréalais Vito Rizzuto, accusé des assassinats de trois capitaines du clan, en 1981. La cause revient devant le tribunal de Brooklyn, aujourd'hui. Les avocats américains de Rizzuto devraient présenter au juge les moyens qu'ils entendent prendre pour assumer sa défense au procès.

La tâche de Montagna est d'autant plus lourde qu'il doit non seulement réorganiser son clan en profondeur «c'est ce qu'il doit absolument faire en toute priorité», avance Nicaso mais aussi tenter de regagner la confiance des autres clans de New York et de la Cosa Nostra américaine en général. «À Montréal même, avec ce qui s'est passé, il a une très longue côte à remonter, en particulier auprès du clan Rizzuto», estime l'ex-journaliste torontois. D'autant plus que les rapports entre les deux organisations étaient déjà passablement tièdes depuis l'assassinat de Gerlando Sciascia à New York, en 1999.

«L'ampleur du riche marché de la drogue de New York et la situation géographique de Montréal obligent les deux organisations siciliennes à faire bon ménage», rappelle Nicaso. Autre atout non négligeable, mais plus symbolique celui-là: Montagna est originaire de Castellamare del Golfo, d'où venaient Joe Bonanno lui-même et nombre des plus illustres mafiosi qui ont marqué l'histoire des États-Unis.