La GRC savait qu'Amodeo

se terrait à Montreal

 

André Cédilot / La Presse

LES autorités canadiennes savaient depuis deux ans que le caïd sicilien Gaetano Amodeo, recherché pour un meurtre, se terrait à Montréal. En avril 1999, la GRC l'avait même repéré dans l'est de la ville, mais avait dû le laisser filer.

C'est ce qu'a déclaré au Corriere Canadese le procureur chargé de la lutte antimafia à Palerme, Luca Crescente, choqué d'apprendre dans les médias qu'il avait requis la mise sous arrêt d'Amodeo seule ment le 19 février dernier.

Une porte-parole de l'ambassade d'Italie à Ottawa, Giuseppina Zarra, a confirmé, hier, à La Presse que le ministère de la Justice de son pays avait demandé l'extradition de Gaetano Amodeo «avant le 27 septembre 1999». L'agence Interpol avait pour sa part été informée la semaine suivante.

Lors d'une entrevue avec le journaliste Antonio Nicaso, du Corriere Canadese de Toronto, Mr Crescente a dit avoir informé la GRC, par l'intermédiaire d'Interpol à Ottawa, dès janvier 1999, que le tribunal de Palerme avait lancé un mandat d'arrêt dit de «détention préventive» contre Amodeo.

Selon Mr Crescentr, le mafioso sicilien, qu'il décrit comme un chef è001 . 0000.00éde clan de Cattolica Eraclea, était recherché pour l'assassinat de Francesco Triassi, en 1991. Ce dernier était à bord d'une voiture quand il avait été abattu d'une rafale de mitraillette. L'attentat s'était produit dans un village voisin de la région d'Agrigente.

Dès qu'elle a été informée de la requête des autorités italiennes, la GRC s'est mise aux trousses d'Amodeo. En avril 1999, les autorités fédérales informaient Mr Crescente qu'elles avaient retracé le meurtrier allégué. Le procureur palermitain dit même avoir reçu une photo d'Amodeo, en compagnie d'autres membres connus du milieu interlope à Montréal. Compte tenu qu'il s'agissait d'une détention préventive, il semble que la GRC ne pouvait l'arrêter sur-le-champ.

À la suggestion des autorités canadiennes, Mr Crescente dit être revenu à la charge en expédiant une demande d'extradition en bonne et due forme, en septembre 1999. Peu après, il apprenait que la GRC avait fait chou blanc, ayant été incapable de retrouver Amodeo à Montréal.

Pour des raisons que l'on ignore, ce n'est que deux ans plus tard, au moment de faire enquête sur la demande de résidence permanente que Maria Sicurella a faite au nom de son mari, le 1er septembre dernier, que la GRC a repris le dossier.

À la fin de novembre, des agents fédéraux se sont notamment présentés aux bureaux d'Immigration Canada à Montréal pour obtenir la photo de Gaetano Amodeo. Deux mois plus tard, «ils sont venus quérir notre aide pour arrêter Amodeo», indique Robert Gervais, porte-parole de l'organisme fédéral.

«C'est là qu'on a su, fin janvier ou début février, qu'Amodeo était recherché pour des meurtres en Allemagne et en Italie», souligne M. Gervais. «Dès qu'on a eu toutes les preuves nécessaires, on a procédé à l'arrestation d'Amodeo avec la GRC», ajoute le fonctionnaire fédéral.

Un mandat d'arrêt de l'Allemagne - où Amodeo est également soupçonné d'un meurtre, en 1981 - est parvenu le 13 février, tandis que celui d'Italie est arrivé six jours plus tard, le 19 février. Amodeo a été interpellé trois jours plus tard en face d'une bijouterie de la rue Alexis-Carrel, dans l'est de Montréal. Accompagné de sa femme Maria Sicurella, il venait de conduire à l'école ses garçons de 9 et 12 ans.

Hier, que ce soit à Ottawa ou à Montréal, personne à la direction de la GRC n'était en mesure d'expliquer comment il se fait qu'Amodeo n'ait pas été arrêté en 1999. Et surtout qu'il soit resté aussi longtemps au large.